Depuis quelques mois, il apparait que le paysage sérigraphique français évolue. Dernière illustration de ces changements, hier, alors que Les Experts réalisait l'une des pires audiences de la série sur TF1, le Final de Chefs brillait sur France 2, le programme devenant la 2ème série puissante de la case cette saison avec Fais pas ci, fais pas ça
en rassemblant en moyenne plus de 16% du public . Quelles sont les tendances en télévision sur le globe et les séries françaises, longtemps décriées sur notre sol, ignorées partout ailleurs, peuvent-elles s'imposer à terme mondialement ?
Les séries américaines peinent à se renouveler dans leur format actuelEn France, la secousse est venue d’Angleterre. Jamais, en diffusant une série de qualité centrée sur les personnages, à savoir Broadchurch, sur la case habituelle des séries américaines, France 2 n'aurait pensé rassembler jusqu'à 7 millions de téléspectateurs.
En parallèle, les séries américaines qui faisaient les belles soirées de TF1 sont à bout de souffle.
Comme le dresse ce constat de Toutelatélé, la première chaine de France ne trouve pas de pépite, là où les succès étaient quasi systématiques il y a quelques années. Et pour cause, le paysage évolue fortement de ce côté de l’Atlantique avec le retour en force du câble et des grands dramas. The Walking Dead et Breaking Bad ont sonné la révolte avec succès, Games of thrones s'est engouffré, et voici que les réussites américaines, trop violentes et clivantes, ne sont pas les bienvenues sur les grandes chaines, encore moins en prime.
La perte du Mentalist risque d'être difficile à digérer pour TF1, d'autant plus que l’évolution de Blacklist cité dans l'article comme un succès ne laisse rien présager de bon.
Mais le constat plus global pour les 3 premières chaines de France montre également une certaine usure de formats qui ont fait les beaux jours des chaines. Sur TF1, les experts souffrent depuis leur retour cette année, Person of interest est sable en PDM cette saison mais a égaré 400k téléspectateurs, Castle baisse, tout comme par exemple les vendredi soirs d'M6 qui titillaient auparavant TF1 et peinent à se mettre au niveau de France 2
Paradoxalement, portés par France 3 et Arte, émergement de nouveaux formats étrangers. La chaine publique consacre,
avec succès, sa case du dimanche soir aux Murdoch et autres Vera quand Arte diffuse de grandes séries telles que
Borgen,
Breaking Bad ou ce soir The code.
Du côté français, l'espoir est venu de Canal + et de ses créations originales, en 2005.
Une prise de conscience de la nécessité de qualitéJulie Lescaut, Joséphine ange gardien, L'instit ou Louis la brocante ont été des succès phénoménaux pour TF1, France 2 et France 3. L'arrivée des séries US a changé la donne et les français se sont alors tournés vers d'autres formats, plus dynamiques, sans pour autant que les diffuseurs ne prennent conscience du danger pour la création française, l'argent perdu sur la case "série française" étant retrouvé en plus grande quantité sur les nouvelles cases "séries US".
Résultat, la série en France s'est longtemps contentée de conserver le format historique des 4 épisodes de 90' perdus dans l'année au milieu de rediffusions, ou de tenter de lancer vainement des formats en 6x52 ou 8x52 scénaristiquement bâclés ou au rendu massacré par un fort manque de moyens
Heureusement, le vent nouveau est venu de Canal+ et de ses créations originales, puis de Fais pas ci, fais pas ça et d'Un village français qui ont montré qu'une série française pouvait conjuguer qualité, quantité et s'exporter, même outre atlantique.
Depuis, un vent nouveau souffle sur la création française. Profilage, les hommes de l'ombre, plus récemment Paris, Chefs, Les témoins (Je viens de la terminer, elle est très bien écrite et réalisée/montée) suivent cette voie, et ça paye. TF1 s'y met aussi : Après les succès de ses unitaires qualitatifs, la chaine développe une minisérie en 10x52 dont le scénario est prometteur ainsi qu'une série "façon Broadchurch".
Une visibilité nouvelle à l’internationalUn second déclic est également venu de Canal + qui a réalisé un vrai coup avec Les revenants. Ce succès s'est exporté dans le monde entier jusqu'aux USA et a permis à la France d'affirmer une place naissante en matière de fiction. Désormais, ce ne sont plus les distributeurs français qui, lorsque une série dispose d'un potentiel vont tenter de la vendre,
mais bien les étrangers qui guettent les nouveautés françaises, et plus globalement européennes.
Il faut dire que le paysage audiovisuel international s'est accru avec l'arrivée de Netflix qui permet à une série de s'exporter bien plus facilement auprès d'un public étranger connaisseur.
Et la tendance se confirme. Derniers exemples en date, l'acquisition, bien avant sa diffusion française de Les témoins par Channel 4 (Angleterre), ou encore
la diffusion en 3ème partie de soirée avec des audiences satisfaisantes sur une des principales chaines allemandes de ProfilageLe problème de la quantitéReste que nous manquons de scénaristes. Dans le modèle traditionnel français, un ou plusieurs scénaristes tiennent leur série qu'ils écrivent intégralement. Le modèle américain dit des showrunners veut qu'une série dispose d'un créateur qui en écrit les grandes lignes, et d'une équipe qui s'occupe de créer le contenu sous sa direction. C'est comme cela que jusqu'à 24 épisodes peuvent être produits en une saison, à un rythme effréné
Si ce modèle commence lentement à s'installer en France (c'est celui de Fais pas ci fais pas ça par exemple), les lacunes sont fortes. Ainsi, lorsque une série est lancée, les diffuseurs attendent tranquillement la fin de la saison pour la renouveler ou non.
Résultat, la saison 2 arrive 1 an et demi voire 2 ans plus tard sur la chaine, ce qui n'est pas forcément vecteur d'installation pour le programme. Heureusement, les choses ne sont pas figées. Si la série Chefs n'est renouvelée qu'aujourd'hui, son créateur avait déjà, avant sa diffusion, écrit les grandes lignes d'une hypothétique saison 2, ce qui permettra de la produire plus rapidement
Toujours est-il que des progrès sont réalisés pour augmenter le volume produit par an une fois que la série est lancée. Profilage est passé dès la saison 2 à 12 épisodes annuels, Falco gagnera 3 soirées cette année, Candice Renoir et Chérif sont de leur côté à 10 épisodes et Caïn à 8, le tout avec une forte régularité, des plannings fixés au millimètre et des tournages toute l'année.
En conclusion, les séries françaises avancent de réels arguments, et pourraient bien retrouver leur statut de préférées des français d'ici quelques années. Il faudra surveiller ce printemps les audiences de Broadchurch (qui s'éloigne du policier) et de The missing pour essayer de comprendre si le désamour des français pour les séries américaines policières est un désamour pour le côté américain ou policier de l'histoire.